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Philippe Prioton

Interview de Jean-Paul Sartre (1973)

Biographie ( Source : Wikipedia ) :



Écrivain prolifique, fondateur et directeur de la revue Les Temps modernes, Jean-Paul Charles Aymard Sartre ( 1905-1980) est connu aussi bien pour son œuvre philosophique et littéraire qu'en raison de ses engagements politiques, d'abord en liaison avec le Parti communiste, puis avec des courants gauchistes, au sens léniniste du terme, plus particulièrement maoïstes, dans les années 1970.

Intransigeant et fidèle à ses idées, il a toujours rejeté tant les honneurs que toute forme de censure ; il a notamment refusé le prix Nobel de littérature en 1964 ; exception notable, il a cependant accepté le titre de docteur honoris causa de l'Université de Jérusalem en 1976.


Il a partagé sa vie avec Simone de Beauvoir, philosophe de l'existentialisme et féministe, avec laquelle il a formé un couple célèbre du xxe siècle. Leurs philosophies, bien que très proches, ne sauraient être confondues. De 1949 jusqu'à sa mort, il a simultanément vécu une liaison avec Michelle Vian, la première épouse de Boris Vian, qui tape notamment ses textes à la machine en vue de leur parution dans la revue Les Temps modernes.


Jean-Paul Sartre laisse derrière lui une œuvre considérable, sous forme de romans, d'essais, de pièces de théâtre, d'écrits philosophiques ou de biographies. Sa philosophie a marqué l'après-guerre, et il est, avec Albert Camus, un symbole de l'intellectuel engagé.


De son supposé engagement dans la résistance en 1941 (engagement mis en doute en raison de son attitude trouble durant l'Occupation), jusqu'à sa mort, en 1980, Sartre n'a cessé de défrayer la chronique.


À treize ans, il est brièvement inscrit au lycée Montaigne. À 16 ans, Sartre revient au lycée Henri-IV où il avait été élève en sixième et cinquième. Il y retrouve Paul Nizan, lui aussi apprenti écrivain, avec qui il nouera une forte amitié, jusqu’à sa mort en 1940. Épaulé par cette amitié, Sartre commence à se construire une personnalité. Pour l’ensemble de la « classe d’élite » — « option » latin et grec — dans laquelle il étudie, Sartre devient le SO, c'est-à-dire le « satyre officiel » : il excelle en effet dans la facétie, la blague.


Sartre, toujours accompagné de Paul Nizan, prépare le concours d'entrée à l'École normale supérieure au lycée Louis-le-Grand. Il y fait ses premières armes littéraires, en écrivant notamment deux petits contes, deux sinistres histoires de professeurs de province, dans lesquelles éclatent son ironie et son dégoût pour les vies conventionnelles. Dans le même temps, Sartre reprend son rôle d’amuseur public avec Nizan, jouant blagues et petites scènes entre les cours. En 1924, deux ans après leur entrée à Louis-le-Grand, Sartre et Nizan sont tous deux reçus au concours de l'École normale supérieure de Paris.


Sartre se fait tout de suite remarquer dans ce que Nizan appelle « l’école prétendue normale et dite supérieure ». Sartre reste en effet le redoutable instigateur de toutes les plaisanteries, de tous les chahuts, allant jusqu’à provoquer un scandale en jouant avec ses amis un sketch antimilitariste dans la revue de l’ENS de 1927, après lequel Gustave Lanson, directeur de l'école, démissionnera.


Sartre a ainsi déjà un goût pour la provocation et le combat contre l’autorité. Il acquiert aussi une grande notoriété parmi ses professeurs et se fait ovationner dans chacune de ses arrivées au réfectoire. Si Sartre est volontiers un boute-en-train, c’est aussi un grand travailleur, dévorant plus de 300 livres par an, écrivant chansons, poèmes, nouvelles, romans à tour de bras.

Pourtant, au cours de ces quatre années à l'École normale supérieure, Sartre ne paraît pas s’intéresser à la politique. Spontanément anarchisant, il ne va à aucune manifestation, ne s’enflamme pour aucune cause. À la surprise de ses admirateurs, qui s'interrogent sur une possible erreur du jury, Sartre échoue en 1928 au concours d'agrégation de philosophie.


Préparant d'arrache-pied le concours pour la seconde fois, il rencontre dans son groupe de travail Simone de Beauvoir, qui la surnommait « castor », par référence à l'anglais beaver (qui signifie « castor ». Ce surnom sera adopté par Sartre et elle deviendra sa compagne jusqu'à la fin de sa vie. Elle sera son « amour nécessaire » en opposition aux « amours contingentes » qu’ils seront amenés à connaître tous deux. En 1929, à la seconde tentative, Sartre est reçu premier au concours d'agrégation. Simone de Beauvoir obtenant la deuxième place.


Sur les conseils de Raymond Aron, Sartre accomplit à partir de novembre 1929 son service militaire obligatoire d'un an dans la section Météorologie de l'Armée de l'air, avec Aron pour sergent instructeur.

Au retour du service militaire, âgé alors de 26 ans, Sartre est envoyé au lycée du Havre, aujourd'hui lycée François-Ier, à compter de mars 1931. C’est une épreuve qui commence pour Sartre qui craint tellement les vies rangées et a tellement critiqué dans ses écrits la vie ennuyeuse de professeur de province.


Sartre entre alors de plain-pied dans la vie réelle, le travail et la vie quotidienne. S’il choque quelque peu les parents et les professeurs par ses manières, comme arriver en classe sans cravate, il séduit ses élèves, pour lesquels il est un excellent professeur, chaleureux et respectueux, et souvent un ami.


En octobre 1934, il reprend son poste au Havre. Il publie en 1936 L'Imagination et La Transcendance de l'Ego. Il remet le manuscrit de Melancholia à Gallimard qui le refuse malgré la bonne appréciation de Paulhan. La gloire qu'il pensait obtenir depuis l'enfance, ces années au Havre la remettent en cause. En octobre 1936, il obtient sa mutation à l'école normale d'instituteurs de Laon, dans l'Aisne où il enseigne un an en classe de terminale.


Cette notoriété naissante est brusquement éclipsée par le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale : Sartre est mobilisé le 2 septembre 1939.


Il est affecté pendant la drôle de guerre à la 70e division au camp d'aviation militaire d'Essey-lès-Nancy comme soldat chargé des sondages météorologistes. Sa fonction lui laisse beaucoup de temps libre, qu'il utilise pour écrire énormément (en moyenne douze heures par jour pendant neuf mois, soit 2 000 pages, dont une petite partie sera publiée sous le titre de Carnets de la drôle de guerre). Il écrit d’abord pour éviter le contact avec ses compagnons de route, car il supporte en effet assez mal les relations sérieuses et hiérarchiques qui sont celles de l’armée.


La drôle de guerre prend fin en mai 1940, et le faux conflit devient bien réel. Le 21 juin, Sartre est fait prisonnier à Padoux, dans les Vosges, et est transféré dans un camp de détention (Stalag XII D) de 25 000 détenus en Allemagne, près de Trêves. Son expérience de prisonnier le marque profondément : elle lui enseigne la solidarité avec les hommes.


En mars 1941, Sartre est libéré grâce à un faux certificat médical alléguant une « cécité partielle à l'œil droit ». D'après les auteurs Gilles et Jean-Robert Ragache, il doit sa libération à l'intervention de Drieu la Rochelle : « À l’automne 40, Drieu avait noté dans son carnet une liste d’écrivains prisonniers — où figurait Sartre — suivie de la mention : Demander la libération des auteurs — contrepartie de mon action N.R.F. ».


De retour à Paris, il aurait fondé avec certains de ses amis, dont Simone de Beauvoir, un mouvement de Résistance, « Socialisme et liberté ».

Sartre fait jouer, en 1943, une pièce qu’il a composée, Les Mouches, reprenant le mythe d’Électre et qui sera présentée comme un appel symbolique à résister à l'oppresseur.

Il écrit ensuite une pièce de théâtre, Les Autres, qui deviendra Huis clos, joué en mai 1944 et qui, elle, rencontre un franc succès, notamment auprès des officiers allemands invités à la première représentation.


Après la Libération, Sartre connaît un succès et une notoriété importants ; il va, pendant plus d'une dizaine d’années, régner sur les lettres françaises. La diffusion de ses idées existentialistes se fera notamment au travers de la revue qu’il a fondée en 1945, Les Temps modernes, toujours considérée comme l'une des plus prestigieuses revues françaises au niveau international.


Sartre met sa plume au service des minorités délaissées, en particulier les Juifs français et les Noirs. En effet, il publie en 1945 plusieurs articles consultables dans la nouvelle édition de Situations II sur la condition des Noirs aux États-Unis, le racisme et les discriminations dont ils sont victimes. En 1946, il publie ses Réflexions sur la question juive dont il a écrit en 1945 la première partie, le Portrait de l'antisémite, dans le no 3 des Temps Modernes. Il s'attaque alors à l'antisémitisme en France à une période où les Juifs qui rentrent des camps sont rapidement délaissés. Les écrits de Sartre inquiètent le FBI qui le surveille dès 1945-1946 et jusqu'aux années 1970, allant jusqu'à lui voler des carnets de brouillons.


La guerre de Corée, puis la répression musclée d'une manifestation antimilitariste du Parti communiste français (PCF) pousse Sartre à choisir son camp : Sartre voit alors dans le communisme une solution aux problèmes du prolétariat. Ce qui lui fait dire : « Si la classe ouvrière veut se détacher du Parti (PCF), elle ne dispose que d'un moyen : tomber en poussière112. »


Sartre devient un compagnon de route du Parti communiste entre les années 1952 et 1956. Dès lors, il participe à sa mouvance : il prend la présidence de l'Association France-URSS. En décembre 1952, il soutient les communistes au Conseil mondial de la paix115.


En 1954, de retour d'URSS, il déclare lors d'un entretien pour Libération : « Le citoyen soviétique possède, à mon avis, une entière liberté de critique, mais il s'agit d'une critique qui ne porte pas sur les hommes mais sur des mesures ». Seule la première partie de la phrase est généralement citée.


Le 22 octobre 1964, l’académie du Nobel décerne à Jean-Paul Sartre le prix Nobel de littérature, mais le philosophe, se confiant le jour même au journaliste François de Closets alors à l'AFP, lui déclare : « je le refuse, et vous pouvez l'écrire ». Deux jours plus tard, le 24 octobre 1964, il s'en explique plus longuement dans une lettre ouverte adressée à l'académie suédoise et dont le texte sera publié respectivement par les quotidiens français Le Monde et Le Figaro. Ce fait inédit aura un très grand retentissement dans le monde. Car, selon Sartre, « aucun homme ne mérite d’être consacré de son vivant ».


Il avait de même refusé la Légion d'honneur, en 1945, ou encore une chaire au Collège de France. Ces honneurs auraient, selon lui, aliéné sa liberté, en faisant de l'écrivain une espèce d'institution. Cette action restera célèbre car elle illustre bien l’état d’esprit de l'intellectuel qui se veut indépendant du pouvoir politique.


Sartre soutient activement la révolution cubaine dès 1960, comme un grand nombre d'intellectuels tiers-mondistes. En juin 1960, il écrit dans France-Soir 16 articles intitulés Ouragan sur le sucre. Il dira de Fidel Castro : « Il m’a plu, c’est assez rare, il m’a beaucoup plu. » Face à la répression des homosexuels notamment avec la mise en place des Unités militaires d'aide à la production, Sartre déclare que « les homosexuels sont les juifs de Cuba ».


Sartre, qui a déjà publié en 1960 le tome I de la Critique de la raison dialectique et prépare le tome II, paru inachevé et posthume, participe activement aux événements de mai 1968. « La solidarité que nous affirmons ici avec le mouvement étudiant dans le monde […] est d’abord réponse aux mensonges par lesquels toutes les institutions et les formations politiques (à peu d’exceptions près) et tous les organes de presse et de communication (presque sans exception) cherchent depuis des mois à altérer ce mouvement, à en pervertir le sens ou même à tenter de le rendre dérisoire », déclare-t-il dès le 10 mai 1968, dans une tribune publiée par Le Monde.


À maintenant 63 ans, il se rend à la Sorbonne investie par les étudiants, afin de discuter avec eux. Il dénonce ensuite les «élections pièges à cons» de de Gaulle.


Sur le plan international, en septembre 1968, il condamne fermement l'intervention soviétique contre le printemps de Prague en Tchécoslovaquie.


Sartre va s'occuper, alors qu'il arrive à la fin de sa vie, du conflit israélo-palestinien. Tout en reconnaissant la légitimité de l'État d'Israël, il dénonce les conditions de vie déplorables des Palestiniens qui expliqueraient selon lui le recours au terrorisme.


En 1976, il accepte le seul titre honorifique de sa carrière, celui de docteur honoris causa de l'université de Jérusalem, qui lui est remis à l'ambassade d'Israël à Paris par le philosophe Emmanuel Levinas. Il accepte ce titre pour des raisons « politiques » afin de créer une « liaison entre le peuple palestinien que je soutiens et Israël dont je suis l'ami.


À 65 ans, le 18 mai 1971, Sartre est victime d'une attaque cérébrale qui le laisse très affaibli. Le 5 mars 1973, une seconde attaque lui laisse la vie sauve, mais lui enlève presque totalement la vue. Sartre entre dans ses années d'ombre.


Sartre poursuit ses engagements jusqu'à la fin de sa vie : quelques interventions politiques, telles que la visite à Andreas Baader, et un voyage de soutien à la révolution des œillets au Portugal, font renaître dans les milieux de l'extrême gauche européenne des élans de sympathie pour le vieil homme.


Il signe aussi différents appels pour la libération de dissidents soviétiques, et, lors de la rencontre entre Brejnev et Valéry Giscard d'Estaing à Paris en 1977, Sartre organise au même moment une rencontre avec des dissidents soviétiques.


En 1979, un dernier événement médiatique pour Sartre émeut le grand public : accompagné de son meilleur ennemi Raymond Aron, et du jeune philosophe André Glucksmann, un Sartre très affaibli se rend à l'Élysée pour demander à Valéry Giscard d'Estaing d'accueillir des réfugiés d'Indochine, les « boat people », qui se noient par centaines en tentant de quitter le Viêt Nam.


Entre 1978 et 1980, Benny Lévy fait découvrir à Sartre l’œuvre d'Emmanuel Levinas. Des entretiens enregistrés de Sartre avec Benny Lévy sur Levinas et sur le judaïsme, résulte le dialogue L’Espoir maintenant, publié dans Le Nouvel Observateur, sur trois numéros, le 10, le 17 et le 24 mars 1980. Alors qu'il mène ces entretiens avec Sartre, de 1975 à 1980, Benny Lévy prend des notes dans des cahiers qui seront publiés chez Verdier en 2007 sous le titre Pouvoir et Liberté.


Atteint d'urémie, Jean-Paul Sartre s'éteint le 15 avril 1980 à près de 75 ans à l’hôpital Broussais de Paris154, à la suite d'un œdème pulmonaire.


Dans le monde entier, l'annonce de sa mort provoque une émotion considérable. Pour son enterrement, le 19 avril 1980, cinquante mille personnes descendent dans les rues de Paris, accompagnant son cortège pour lui rendre un ultime hommage. Il est inhumé au cimetière du Montparnasse à Paris.

Sur la tombe, une plaque porte cette simple inscription :

« Jean-Paul Sartre, 1905-1980 ».


Je vous propose de découvrir une interview donnée en 1973, au micro de Jacques Chancel pour son émission Radioscopie.

Sartre aborde, entre autres, le métier d'écrivain et l'évolution de sa pensée, le rôle de la politique et du journalisme dans sa vie.


Je vous souhaite une bonne écoute :




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